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Jeux paralympiques 2024 : « On se bat pour la liberté », assure l’homme qui a fait de l’Ukraine un géant du handisportSportuneBébés et MamansMinutes Maison Jeux paralympiques 2024 : « On se bat pour la liberté », assure l’homme qui a fait de l’Ukraine un géant du handisportSportuneBébés et MamansMinutes Maison

Jeux paralympiques 2024 : « On se bat pour la liberté », assure l’homme qui a fait de l’Ukraine un géant du handisportSportuneBébés et MamansMinutes Maison

Aymeric Le Gall 07 Sep 2024,08:41

La délégation ukrainienne ne sait plus où donner de la tête dans ces . Après avoir assisté aux sacres de trois athlètes en para judo, jeudi, du côté de l’Arena Champ de mars, la team jaune et bleu a foncé dans un taxi direction le sud de Paris pour ne surtout rien manquer de la finale de son équipe masculine de goal ball contre le Japon. Et malgré une courte défaite au but en or, les Ukrainiens ont décroché une belle médaille d’argent. Une de plus dans une valise déjà bien chargée depuis le début de la compétition.

Depuis une vingtaine d’années, en effet, l’Ukraine et ses 38 millions d’habitants cartonnent tout sur leur passage aux Paralympiques. Une anomalie de l’histoire, à côté des mastodontes que sont la Chine, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ? Absolument pas. Simplement le fruit d’une politique volontariste dans le , impulsée par l’ancien champion paralympique Valeriy Sushkevych, le fondateur du comité paralympique ukrainien après l’indépendance du pays en 1991.

Atteint de poliomyélite, une maladie qui l’a privé de l’usage de ses jambes à l’âge de trois ans, celui-ci s’est battu toute sa vie pour faire du sport un moyen d’insertion sociale des personnes en situation de handicap, dans un pays pas épargné par les catastrophes de l’histoire, de Tchernobyl à . Croisé en fin de journée à Porte de Versailles, celui qui a vécu son enfance cachée du reste de la société, dans une URSS pas tendre avec les personnes en situation de handicap, a accepté de revenir sur vingt ans de travail acharné qui ont fait de l’Ukraine et de réussite via le handisport.

Comme tous les deux ans, entre les Jeux paralympiques d’été et ceux d’hiver, l’Ukraine réalise une paralympiade extraordinaire. Comment expliquez-vous cela ?

Ce n’est pas qu’une histoire de sport et de résultats. Nous sommes venus ici pour nous battre pour une victoire plus grande que ça. Une victoire de la paix pour l’Ukraine, pour la France, l’Europe et le monde. Notre mission, c’est celle-là. Aujourd’hui, nos soldats défendent notre territoire. Regardez notre tenue officielle [la carte de l’Ukraine et tous ses territoires, Crimée comprise, y est floquée dans le dos] et vous comprendrez pourquoi on est là et ce pour quoi on se bat. Ce n’est pas que du sport, loin de là. Nous sommes des hommes et des femmes qui veulent défendre notre indépendance, notre liberté, notre démocratie. Et aujourd’hui, ces résultats miraculeux sont le fait de ce désir profond de se battre pour l’Ukraine et pour ceux qui vivent les horreurs de la guerre. Notre mission, vous le savez, vos dirigeants le savent, n’est pas simplement de nous battre pour l’Ukraine mais pour la paix et la stabilité en Europe et dans le monde. Nous devons nous montrer solidaires les uns des autres. C’est l’une des raisons qui fait que nos athlètes obtiennent de si bons résultats.

Mais ce n’est pas la seule raison…

C’est vrai. Bien avant le début de la guerre, nous étions déjà très hauts dans le classement des médailles aux . Nous sommes avec des pays comme la Chine, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne.

Pour un pays de 38 millions d’habitants, c’est fort…

Oui, c’est étonnant, n’est-ce pas (rires) ? ! Même si nous ne sommes pas une grande puissance économique, nous avons un système particulier qui fait que nous en sommes là aujourd’hui. Nous soutenons et encourageons nos enfants en situations de handicap, mais aussi les adultes, en leur donnant la possibilité de se reconstruire par le sport, de se réaliser en tant que sportif et en tant qu’être humain. De quand date le mouvement paralympique ? Après la Seconde Guerre mondiale, en 1948, à une époque où des millions de gens se sont retrouvés blessés, mutilés, handicapés.

Pour moi, les Jeux paralympiques, c’est l’événement le plus important dans le monde pour défendre les droits humains et les droits des personnes handicapées. Le sport est un moyen fabuleux, presque miraculeux, pour permettre aux gens en situation de handicap de se sentir appartenir au reste de la communauté humaine. Grâce au sport, vous pouvez revenir à la vie alors que vous aviez perdu tout espoir. Sans jambes, sans bras, sans la vue, vous pouvez. Gagner, ou même participer aux Jeux paralympiques, c’est un moyen de comprendre que vous pouvez aussi le faire dans la vie de tous les jours.

Pouvez-vous nous détailler les différents programmes que vous avez mis en place depuis 1991, en tant que président du comité paralympique ukrainien ?

Nous avons mis un système en place sur tout le territoire qui permet d’accueillir et de soutenir les personnes en situation de handicap et qui souhaitent pratiquer un sport. Chaque région est aujourd’hui dotée de centres qui permettent d’accueillir et de former les sportifs et sportives de demain dans notre pays. La question du handicap est un sujet que nous nous devions de traiter, et c’est encore plus le cas aujourd’hui à cause de la guerre. Chaque jour, nous avons de plus en plus de soldats qui rentrent blessés des combats, quand ils échappent à la mort, et nous ne pouvons pas faire comme s’ils n’existaient pas.

Nous le devons à notre peuple, à nos enfants qui sont mutilés par les missiles russes. Ils ont besoin de revenir à la vie, de retrouver goût à l’existence. Et, en tant qu’ancien athlète paralympique, j’ai pensé que le sport était un bon moyen d’y parvenir, de panser les plaies, de soigner les têtes. Beaucoup se disent « ma vie est terminée ». Mais quand ils voient à la télé les performances de nos athlètes à Paris, ils peuvent s’identifier, prendre exemple, se dire que non, leur vie n’est pas finie.

Valeriy Sushkevych, le président du comité paralympique ukrainien.  - Joe TOTH

Ces programmes dont vous parlez, c’est « Invasport » et « Believe in Yourself ». Vous avez implanté des centres parasportifs spécialisés pour les jeunes handicapés dans chaque région du pays ?

J’ai créé ce système il y a très longtemps, il y a seize ans, quand j’étais membre du Parlement ukrainien en charge des questions de handicap. L’idée était de créer un réseau qui aille du sport loisir, comme moyen de simplement se reconstruire, jusqu’à la haute performance. Cela s’adresse aux jeunes Ukrainiens et Ukrainiennes, partout dans le pays. C’est important qu’il y ait un véritable maillage du territoire afin de n’exclure personne. Et parmi ces jeunes, certains continueront à pratiquer le sport par plaisir, en parallèle de leur réinsertion dans la société, et d’autres se lanceront dans la voie du professionnalisme et participeront peut-être aux Jeux paralympiques. Sur les 140 athlètes engagés à Paris, 40 sont issus de ce programme « Believe in yourself », c’est une grande fierté. Le nom résume tout. Croire en soi.

Il faut que les jeunes atteints de handicap n’aient plus jamais l’impression d’être mis de côté, il faut qu’ils se sentent comme partie prenante de notre communauté. C’est pareil pour nos soldats et nos blessés de guerre. Vous avez votre place, vous êtes forts, vous avez de grandes choses à apporter à notre pays. Essayez, battez-vous, croyez en vous. Faites de votre différence une force. Vous n’avez pas de jambes ? Développez vos bras. Et pour y parvenir, quoi de mieux que le sport ?

Ces programmes que vous avez mis en place sont-ils aujourd’hui pris en exemple et copiés dans d’autres pays ?

Oui, le comité international paralympique a même dit que nous avions le meilleur système du monde en matière d'intégration des personnes en situation de handicap à travers la pratique sportive. Ce n’est pas rien et ça fait plaisir de voir que ce que nous avons bâti il y a des dizaines d’années porte aujourd’hui ses fruits. Nous avons aussi de très bons résultats dans les Deaflympics (les Jeux olympiques réservés aux sourds et aux malentendants) , je ne pense pas que ce soit une coïncidence. Nous avons travaillé dur et mis les moyens qu’il fallait pour en être là aujourd’hui.

Au-delà de l’aspect purement sportif, ces programmes permettent-ils aussi à la société tout entière de changer son regard sur le handicap ?

Oui, absolument. Vous savez, nous sommes issus de l’Union Soviétique, un pays qui avait pour habitude de cacher les personnes en situation de handicap. Les intégrer à la société n’était pas une option. Je le dis d’autant mieux que je l’ai vécu étant jeune. En tant qu’enfant en fauteuil roulant, j’étais totalement mis de côté, on venait me faire l’école à la maison car il ne fallait surtout pas que je sorte. On faisait tâche dans le tableau de la société idéale qu’était censée représenter l’URSS. On n’était pas les bienvenus. Ça a été très compliqué de vivre ça et, par la suite, de combattre les préjugés sur les personnes handicapées. « Il est handicapé ? Il ne pourra rien faire de sa vie », voilà ce que pensaient nos dirigeants à l’époque. Aujourd’hui, grâce au travail qu’on a mené, le regard des gens a totalement changé.

Les athlètes paralympiques sont populaires, reconnus et intégrés dans la société. Et avec eux, toutes les personnes en situation de handicap. Et je pense que ces Jeux de Paris ne vont faire qu’amplifier ce sentiment. Et à travers les athlètes et leurs performances, ce sont toutes les personnes en situation de handicap qui vont gagner le respect des valides. Quand on voit ce que les parathlètes arrivent à faire, ça ne peut qu’inspirer le respect et montrer l’exemple. Quand les gens restés au pays les voient remporter des victoires avec une jambe en moins, des bras en moins, que se disent-ils ? Que rien n’est impossible et que nous pouvons, nous allons, gagner cette guerre. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais ce que font nos athlètes a une énorme influence sur Ils véhiculent de l’optimisme, de l’espoir, et c’est ce que nous avons de plus précieux aujourd’hui. Nos victoires, ici, à Paris, j’en suis intimement convaincu, serviront demain à la grande victoire contre nos ennemis.

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