Freestyle. « Pendant soixante minutes, vous allez découvrir tous les secrets permettant d’accumuler richesse pécuniaire, pouvant aller jusqu’à plusieurs milliards d’euros, peu importe votre âge, votre situation maritale, votre revenu annuel brut avant prélèvement à la source, cette formation est accessible à tous. Êtes-vous chauds du slip ? ». 20h50, mardi 18 septembre.

Sur un écran géant au fond de l’, l’image d’un avatar IA dégradé de Xavier Niel annonce la couleur. Oui, le public est chaud, très chaud même, qui acclame , le vrai, alors qu’il monte sur scène.

Première et dernière date de sa tournée mondiale (c’est lui qui l’affirme), ce rendez-vous fera-t-il des près des 2.000 spectateurs présents de futurs milliardaires ? Sur notre strapontin au balcon payé 39,99 euros, (les places étaient vendues à partir de 2 euros) nous espérons que notre investissement sera payant.

Allez en prison

D’emblée, la première recommandation de Niel, qui se dépareille jamais de son humour féroce, donne le ton. Le patron du groupe Iliad, de Free, de Station F, de la cinquantaine d’écoles 42 réparties dans le monde va se raconter (se la raconter ?), nous la raconter.

Aidé par son prompteur, mais détendu (du slip ?), Xavier Niel revient sur ses débuts à Créteil. « À 17 ans, j’ai été le roi du Minitel. Puis Internet est arrivé, tout cartonne, je lance Free en 1999 et en mai 2004, on me taxe de proxénétisme, de blanchiment, je me retrouve en prison ». Sa parenthèse sex-shops, où il avait placé des billes…

Face à une salle acquise à sa cause, presque émue, Xav' fait ici référence à son incarcération durant un mois pour laquelle il n’a « rien compris ». Motif invoqué : proxénétisme et recel d’abus de bien sociaux. Niel se remémore surtout la phrase que lui lancera le juge lorsqu’il le relâchera : « Mordez la ligne jaune, mais ne la dépassez jamais ». Une leçon que le patron de Free semble avoir apprise. Et veut partager. La prison ? Xavier, comment te dire… même pas en quartier VIP. Lavé du premier chef d’accusation, Niel sera condamné pour le second à 250.000 euros d’amende.

Faites confiance

La leçon n° 2 de Xavier Niel invite les entrepreneurs en herbe à savoir s’entourer. Rien de très original. Sauf que Niel ne nous propose pas d’aller chercher les meilleurs, mais plutôt ceux avec lesquels « on veut se planter » ! Et de rappeler qu’une boîte, « c’est un bateau qui a 90 % de chances de couler ». Free a ainsi été créé par cinq personnes, de trois religions différentes et qui, selon le boss, « n’avaient rien en commun ». « Ça a été notre secret », rappelle Niel. O.K. Xavier, on a tout compris !

Pactisez avec le Diable

Piratage de logiciels à 17 ans, du téléphone Radiocom 2000 de à 18 ans, Niel rappelle son parcours de gentil hacker, le fait que comme ceux avec lesquels il travaille, il n’entre pas dans la norme.

Diffusé sur l’écran de l’Olympia, un faux reportage Brut rappelle même sa cataphilie notoire (son amour des catacombes), le numéro de la messagerie vocale Free (666) qui a fait grincer des dents. « Si votre entourage vous trouve un peu chelou, vous êtes sur le bon chemin ! », lance-t-il, rappelant qu’au moment de lancer sa boîte « on s’en tape du business plan ». Euh, Xavier, mon banquier me réclame mon business plan pour le prêt de ma start-up…

Respectez vos concurrents

« J’étais devenu paranoïaque ! ». Xavier Niel rappelle qu’il avait reçu des menaces de ses concurrents lorsqu’il s’est lancé dans la téléphonie mobile, alors que c’est bien connu, « eux, ils n’essaient jamais de vous entuber ni d’entuber leurs clients ». L’occasion de sortir les vieux dossiers : car alors (2012) « ils s’entendaient sur les prix ».

Résultat ? « On a tout pété » (le public de l’Olympia exulte !). Le moment idéal pour afficher les courbes de chute vertigineuse de tous les prix des abonnements mobiles dès que Free est arrivé sur le marché. Respect. Et de conclure : « moi, vivant, le forfait à 2 euros, on ne le changera pas ». Sans doute la vraie info du soir, car jusqu’à, présent, Neil n’avait rien promis pour après 2027.

Béliève (croire en vos rêves)

Cela fait une heure que Xavier Niel parle et l’on se sent déjà plus riche. Reste une leçon à retenir, selon la neuvième fortune de France (plus de 22 milliards d’euros d’après Challenges) : rester OP-TI-MIS-TE ! Des coups, il en a pris, des plantages il en a connus, des ratés aussi (le rachat d’M6, notamment). D’ailleurs, Neil se décrit comme « le plus grand loser de la Terre ». Mais bon, même de là, faut jamais lâcher l’affaire, semble nous indiquer le showman qui en profite pour réclamer plus de « diversité et de femmes dans l’entreprenariat » (la salle est à son comble), mais aussi regretter qu’en France, « l’ascenseur social ne marche pas ». O.K. Xavier, je t’envoie un mail à xavier@free.fr comme tu l’as proposé et tu m’incubes («n’hésite pas, jamais. Je réponds ! »).

« C’était pas ouffissime »…

22h10, l’Olympia se vide. Le public (combien de clients de Free, au fait ?), en a eu pour son argent (Xav' s’est engagé pendant la soirée à rembourser 20 euros à chacun sur xaviermedoit20balles.com, si, si !). De quoi s’offrir avant de quitter les lieux son livre d’entretiens avec Jean-Louis Missika, Une sacrée envie de foutre le bordel qui sort chez Flammarion.

Une keynote ? Non ! Du stand-up ? Davantage. Le moment était sympa, rapide, drôle, naturel, fluide. Les spectateurs ont sans doute plus appris sur l’homme Xavier Niel et son parcours que sur la façon de faire plein de thunes. Mais étaient-ils seulement venus pour autre chose que par curiosité ?

« C’était pas ouffissime, mais j’ai bien aimé l’autodérision comme sur sa période Minitel. Il était dans le ton en reprenant un peu les codes des Youtubeurs qui te vendent des masterclasses pour te fourguer des business en ligne. Y’avait plein de clins d’œil avec (apparue dans une vidéo délirante), , Nâdiya (la chanteuse a clôturé la soirée en interprétant son tube de 2015 Et c’est parti pour le show). Mais il s’est avant tout fait plaisir. C’était un bon moment. Les gens doivent être contents d’être venus voir le mec », débriefe Stéphane, en sortant de la salle.

« Je n’ai pas trouvé ça incroyable, c’était la même chose que lorsqu’on le voit à la télé. J’attendais un peu plus, même si les parodies étaient très drôles. J’ai rien appris », lâche Abel, pas si emballé que ça, mais content, quand même, de sa soirée à 30 euros la place seulement. « Je pensais que j’allais sortir avec quelque chose. C’était plus un sketch », lâche son pote Faleel.

Conclusion : existe-t-il seulement une recette pour devenir milliardaire ? Sans doute pas. Pour encourager l’entrepreneuriat, possiblement, et Niel s’y est attelé dans un show de 80 minutes, avec son langage vrai, son cynisme, sa proximité avec le public, sa story. Et ses clients. Comme on l’aime. Ou pas.