Elle avait quitté la Terre en avril 2023, depuis (Guyane) à bord de l’avant-dernière fusée . La voilà de retour ce mardi, non pas sur, mais autour de la Terre, à 6.800 kilomètres au-dessus de nos têtes. La va en effet se servir dans la nuit de mardi à mercredi, de la force d’attraction de notre planète, pour reprendre de l’élan en vue de son long périple vers , sa destination finale, à environ 800 millions de kilomètres.

Le passage au plus près de la Terre est prévu ce mardi à 23h57. Mais inutile de sortir vos jumelles et vos télescopes, « on ne pourra pas la voir en Europe » prévient Arnaud Boutonnet, analyste de mission à et concepteur de la trajectoire de la mission Juice. « On pourra la voir en revanche en Asie du Sud-Est, où il sera 5 heures du matin lors de son survol » ajoute l’ingénieur. « Surveillez donc les réseaux, des vidéos seront certainement postées. » 20 Minutes l’a interviewé avant cet événement « interplanétaire ».

Après avoir survolé la lune lundi soir, Juice doit survoler la Terre ce mardi soir, dans le cadre d’une double assistance gravitationnelle. Pouvez-vous décrire cette manœuvre ?

Le principe d’assistance gravitationnelle n’est pas nouveau, on en fait beaucoup avec Venus, la Terre et Mars. Dans le cadre de missions passées comme par exemple, la sonde arrive de l’espace interplanétaire et vise la Terre dont elle se sert comme d’une fronde pour repartir. La différence, cette fois-ci, est qu’il s’agit d’une double assistance gravitationnelle, ce qui est une première mondiale. Nous nous sommes en effet arrangés pour avoir la Lune sur le chemin de la sonde. Celle-ci a légèrement dévié sa trajectoire avant de rencontrer la Terre, qui va faire le gros de la déviation de la sonde. Mais la Lune a rajouté une espèce d’effet bonus qui va nous permettre d’économiser du carburant.

Le principe de l’assistance gravitationnelle est précisément d’envoyer des objets loin dans le système solaire, en maîtrisant la consommation de carburant, mais cette double assistance va donc permettre d’économiser encore plus de carburant ?

Les réservoirs de la sonde sont pleins, et sans cette double assistance gravitationnelle, il faudrait compenser l’effet de la Lune en utilisant les moteurs pour faire des manœuvres. Or, ce carburant nous allons en avoir besoin plus tard dans la mission.

Cette manœuvre n’est que le début des assistances gravitationnelles. Que va-t-il se passer ensuite ?

La mission est d’aller autour de Jupiter, la destination finale de la sonde. Le lanceur Ariane 5 nous a propulsés loin de la Terre à une vitesse de 2,5 km/seconde, ce qui n’est pas suffisant pour arriver à Jupiter. Pour cela, il faut atteindre la vitesse de 11 km/seconde [en vitesse relative ; la vitesse absolue sera supérieure], et c’est Venus, que nous atteindrons en août 2025, qui va nous permettre de l’atteindre. Mais ce ne sera pas fini. Une fois que nous aurons la bonne vitesse, il faudra ensuite tourner la sonde dans la bonne direction. C’est pour cela qu’après Venus, Juice va repasser deux fois par la Terre, en 2026 et 2029, pour être réorientée, avant d’atteindre Jupiter le 21 juillet 2031.

C’est aussi précis que cela ?

Ah oui, c’est même absolument nécessaire. Quand on arrivera en orbite autour de Jupiter, il faudra faire une manœuvre pour freiner. Pour rendre cette manœuvre plus efficace, il faudra d’abord effectuer un survol d’une lune de Jupiter, et une dizaine d’heures après effectuer la mise en orbite. Pour que la lune de Jupiter soit exactement sur le chemin de la sonde, il faut qu’on arrive à une date, et même à une heure, extrêmement précise.

Et la sonde effectuera ensuite d’autres assistances gravitationnelles autour des lunes de Jupiter, c’est cela ?

Quand on arrivera autour de Jupiter, nous allons rencontrer ses quatre lunes, Io, Europe, Ganymède et Callisto, et nous allons faire 35 assistances gravitationnelles avec ces lunes. Donc la partie interplanétaire que nous effectuons en ce moment, honnêtement, c’est une blague par rapport à ce qui nous attend autour de Jupiter.

Quelle sera la mission de Juice ?

Son objectif majeur est d’analyser l’habitabilité des lunes glacées de Jupiter. Est-ce que les conditions d’émergence de la vie existent ? Pour ce faire, nous avons onze instruments à bord, qui vont du radar à l’altimètre en passant par les caméras, pour nous permettre de caractériser la structure, la couche de glace, et avec un peu de chance l’océan sous la couche de glace, des lunes de Jupiter. Et la sonde terminera sa mission en se crashant sur Ganymède.