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80e anniversaire de la Libération de Bordeaux : Heinz Stahlschmidt, cet Allemand qui a sauvé les quais de la destructionSportuneBébés et MamansMinutes Maison 80e anniversaire de la Libération de Bordeaux : Heinz Stahlschmidt, cet Allemand qui a sauvé les quais de la destructionSportuneBébés et MamansMinutes Maison

80e anniversaire de la Libération de Bordeaux : Heinz Stahlschmidt, cet Allemand qui a sauvé les quais de la destructionSportuneBébés et MamansMinutes Maison

Mickaël Bosredon 26 Aug 2024,08:40

Le 28 août 1944 à 6h30, les Forces Françaises Libres (FFL) accompagnées de maquisards entrent dans , abandonnée par les Allemands dans la nuit. C’est la fin de quatre ans d’occupation. Pour fêter les 80 ans de cette , plusieurs événements et cérémonies seront organisés tout au long de la semaine dans la ville.

20 Minutes revient sur un épisode marquant, qui a précédé la libération, à savoir l’acte héroïque d’un sous-officier allemand, Heinz Stahlschmidt, devenu plus tard Henri Salmide, qui, le 22 août à 20h30, fait exploser le bunker-poudrière de la rue Raze, situé au niveau du quai des Chartrons, pour empêcher la destruction du , programmée le 25 août par l’état-major allemand.

« Le but était de rendre le port inutilisable »

« La décision de détruire le port de Bordeaux a été prise le 18 août 1944, explique Romain Wenz, responsable du . Cela incluait de faire sauter le – avec l’idée de couper le seul axe de communication permettant de traverser la – et de faire exploser tous les quais de Bordeaux, incluant les quais de la Bourse et des Chartrons. Pour cela, il est prévu de placer une charge de plastique de 250 kg tous les 50 mètres le long des quais. L’objectif était vraiment de faire s’écrouler les quais. » Difficile d'évaluer le nombre de victimes qu'aurait pu causer cette entreprise dévastratrice, mais elles se seraient certainement comptées par centaines. Voire plus.

Que recherchent alors les Allemands ? « Le but était de rendre le port inutilisable, poursuit l’historien. La crainte des Allemands est de voir le scénario de 1914-18 se rejouer : à la fin de la Première Guerre mondiale, Bordeaux était devenue la ville principale de déchargement pour les Américains. C’était leur base arrière pour acheminer le matériel jusqu’au front, par voie ferroviaire ».

« Il ne conçoit pas de détruire une ville »

Pas question donc d’offrir le port sur un plateau aux Alliés. La tâche d’organiser cette vaste opération de destruction est confiée à Heinz Stahlschmidt, maître-artificier qui a « la réputation d’être fiable, avec des qualités de meneur d’hommes ». Né le 13 novembre 1919 à Dortmund, débarqué à Bordeaux en 1941, le sous-officier décide pourtant de ne pas suivre les instructions de sa hiérarchie. « Stahlschmidt s’engage certes volontairement dans la Kriegsmarine, dès 1938, mais ce n’est pas un nazi convaincu, loin de là, poursuit Romain Wenz. Et, en août 1944, il comprend que la guerre est perdue pour l’Allemagne, à partir de là il ne conçoit pas de détruire une ville ».

Heinz Stahlschmidt, devenu Henri Salmide, lors d'une interview filmée en 1993, par Jean-Marie Blanc.  - Capture d'écran film La Mémoire de Bordeaux Métropole

Le jeune homme est tombé amoureux de la ville, mais pas seulement : il a une petite amie française, Henriette, et entend bien rester en France après la guerre pour faire sa vie avec elle. « Dès le 19 août, il entre en contact avec la Résistance, et lui propose de faire sauter le bunker qui abrite les explosifs ». Les membres du réseau Vidal à Bègles sont néanmoins méfiants dans un premier temps : ils redoutent le piège. « Mais ils ne veulent pas non plus passer à côté d’une belle occasion, explique Romain Wenz. Ils refusent donc de participer à l’opération, et proposent à Stahlschmidt de poser seul les charges, après quoi ils le récupéreront place Gambetta pour le cacher jusqu’à la fin de la guerre ». Le deal est accepté par l’Allemand.

Une centaine de navires sabordés dans le port

Le 22 août, « il guette le moment où il peut sortir sans attirer l’attention, ce qu’il fait vers 20 heures ; à 20h30 tout explose ». On dénombre « une cinquantaine de soldats allemands morts à l’intérieur du bunker ». « Tout est soufflé ». Stahlschmidt est bien récupéré par les résistants, qui le cachent à Bègles jusqu’à la libération. Ses compatriotes le recherchent, mais « plus en tant que déserteur qu’instigateur de ce sabotage » car « il y a une confusion énorme » autour de l’explosion.

Le bunker situé sur le quai des Chartrons a été entièrement soufflé par l'explosion, le 22 août 1944. - Archives Bordeaux Métropole

Cet acte, que l’occupant attribue à la Résistance, fait en revanche comprendre, brutalement, aux Allemands que Bordeaux n’est absolument pas une zone sous contrôle, comme ils le pensaient. En plus d’accélérer leur départ de la ville, cela précipite un accord avec la Résistance, signé dès le 24 août, actant qu’il n’y aura pas de destruction du port de Bordeaux, hormis les bateaux. « Les Allemands sabordent une centaine de leurs navires pour empêcher l’accès au port ». Si la plupart des épaves ont été retirées de la Garonne dans les années qui ont suivi, on peut encore en voir, à marée basse, vers la rive droite.

Acte de bravoure durant les incendies de 1949 dans les Landes

Stahlschmidt devient Salmide, s’installe à Bordeaux, et épouse Henriette, « avec qui il a fait toute sa vie ». Il devient sapeur-pompier, et s’illustre même durant les grands incendies dans les Landes en 1949, qui font plus d’une centaine de morts, puisqu’il reçoit la Légion d’Honneur. « C’est assez cocasse qu’il ait finalement obtenu cette distinction non pas pour son acte d’héroïsme de la rue Raze, mais pour sa bravoure durant les incendies » pointe l’historien.

Son acte de sabotage héroïque est en effet resté durant près d’un demi-siècle dans l’ombre. « Il n’était pas question de se mettre en avant à la Libération, où le ressentiment contre les Allemands est évidemment très fort », explique Romain Wenz. Ni même dans les années qui suivent. Henri Salmide préfère la jouer discret. Ce n’est finalement que « vers la fin des années 1980-début 1990 » qu’il accepte d’en parler. Jacques Chaban-Delmas le décore de la médaille de la ville de Bordeaux en 1995. On n’allait pas non plus lui remettre une seconde fois la Légion d’Honneur…

Henri Salmide est décédé en 2010, à 90 ans. Il repose au cimetière protestant de la rue Judaïque.

Parmi les événements à suivre cette semaine, une exposition photos d’archives sur les façades du centre Jean-Moulin à partir de mardi, une cérémonie de commémoration le 28 août à 18 heures Esplanade Charles de Gaulle et devant l’Hôtel de ville, ou encore un bal populaire samedi 31 août à partir de 19 heures place Pey-Berland.

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