Ils n’ont pas le choix de la lettre, mais « peu importe, de toute façon »… Depuis vendredi et encore ce samedi, quelque 120 personnes se pressent au à Nantes pour repartir avec leur petit tatoo sur le corps. S’il s’agit d’un étonnant lieu pour se faire tatouer, la démarche l’est tout autant mais « fait sens », assure-t-on dans les couloirs du monument ouvert en 2012 quai de la Fosse, dans la ville qui fut le premier port français de la Traite atlantique.

Il faut dire que pendant ces deux jours, quatre lignes de l’article 26 (dédié à l’éducation) de la vont être inscrites, lettre par lettre, sur la peau de ces Nantais volontaires et plus que motivés. « L’objectif est de créer une communauté d’être humains connectés autour des mêmes valeurs, tout autour du monde », explique l’artiste néerlandais Sander Van Bussel, qui a lancé le projet il y a douze ans, après le meurtre d’un ami, et répondu à l’invitation du studio nantais La Rose à Georgette.

Le « Q » de « equally »

Dans un petit espace du Mémorial aménagé pour l’occasion, les aiguilles de trois des dix tatoueurs bénévoles mobilisés s’activent. Sébastien, 40 ans, a hérité du « Q » de « equally ». « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise lettre, sourit le jeune homme, allongé sur la table. L’essentiel c’est que tout ça résonne avec qui je suis, c’est-à-dire quelqu’un qui s’investit dans des causes, du bénévolat, comme avec l’AMF par exemple. »

« C’est un acte fort pour mon premier tatouage, estime de son côté Elisabeth, 56 ans, qui porte depuis vendredi la discrète lettre « U » à l’intérieur du bras. J’avais très envie de participer et je suis ravie : pour moi, cette lettre, c’est l’unité. »

Rayan, jeune prof d’histoire-géo, est carrément venu de Toulouse pour cet événement qu’il juge « original, intéressant et important ». Ce qui lui plaît particulièrement, c’est d’appartenir à cette « grande chaîne humaine », alors que la précédente escale du projet était . Parmi les quelques choix de typographie, le Toulousain a choisi un C « au style médiéval, comme une enluminure ».

« Toujours se soucier des autres »

Pour Anne-Sophie, qui composera elle aussi le mot « accessible », ce sera un « L » beaucoup plus épuré. « On pouvait changer si la lettre nous évoquait un prénom vraiment malvenu, comme celui d’un ex par exemple », explique l’éducatrice spécialisée, pour qui lui rappellera plutôt, s’il le faut, de « toujours se soucier des autres ». Chaque participant est ensuite pris en photo par l’artiste, qui aimerait un jour tous les réunir. « Mais les connexions se font déjà entre eux, certains ne se connaissent pas mais se reconnaissent grâce aux tatouages qu’ils portent, confie Sander Van Bussel. Ce n’est plus mon projet mais aussi celui d’autres gens désormais. »

Au total, d’ici à 2028, les 6.773 lettres composant les 30 articles du texte, adopté par les Nations Unies en 1948, devraient avoir été dessinées sur autant de personnes, dans une trentaine de pays différents.